Location : pourquoi les critères se durcissent (et compliquent la vie des locataires) ?

Alors que le marché locatif est déjà sous tension, les candidats doivent désormais composer avec des conditions toujours plus strictes, parfois à la limite de l’abus... Pourquoi les bailleurs serrent-ils la vis - quitte parfois à se mettre en situation d’illégalité ? Quelles solutions pour calmer le jeu et retrouver un terrain (locatif) d’entente ? On fait le point.
Devenir locataire sera bientôt plus compliqué que de trouver un job ? On n’est pas loin de le croire… Une étude récente de l’institut Flashs pour la plateforme Zelok vient mettre en lumière des pratiques de bailleurs de plus en plus strictes :
67 % des bailleurs exigent un contrat de travail en CDI.
56 % imposent au locataire des revenus d’au moins trois fois le montant du loyer mensuel.
Dans des pratiques plus problématiques (voire illégales) :
- 29 % des bailleurs avouent avoir demandé une partie du loyer non déclarée (ce qui peut servir à contourner le plafonnement des loyers ou d’autres obligations légales).
27 % avouent avoir posé des conditions liées à l’origine ethnique des candidats, un critère discriminatoire interdit.
31 % admettent interdire les animaux de compagnie.
Au-delà des clauses abusives et discriminatoires, les chiffres de l’étude font observer un net durcissement des pratiques. Le locataire doit souvent présenter un dossier « béton » : garants, revenus élevés, CDI, etc., ce qui a naturellement pour conséquence d’exclure les étudiants, les précaires ou les travailleurs temporaires aka, des citoyens qui ont tout autant besoin de se loger que les autres !
Actions illégales… réactions illégales !
Face à ces conditions (trop) strictes, les candidats à la location admettent avoir eux aussi recours à des pratiques illégales :
- 26 % des locataires interrogés dans l’étude Zelok avouent avoir falsifié leur dossier pour obtenir un logement — fausses fiches de paie, dissimulation de situation, etc.
40 % avouent qu’ils n’ont guère le choix que d’accepter certaines demandes qu’ils jugent abusives.
Si devenir locataire relève parfois du parcours du combattant, beaucoup de ménages préfèrent désormais se tourner vers l’accession à la propriété. Les données Pretto montrent ainsi un regain des projets de financement depuis 2023 :
- +15 % de simulations de crédit immobilier entre janvier-septembre 2023 (67 964) et la même période 2025 (77 848).
- Des emprunteurs un peu plus âgés (35 ans en 2025 contre 34 ans en 2023)… mais toujours jeunes au regard du marché.
- Un apport moyen stable (67 540 € en 2025), malgré la hausse du coût de la vie.
- Dans les zones tendues, la bascule est nette : à Paris, les simulations passent de 5 746 en 2023 à 6 817 en 2025, soit une hausse de près de 19 %. À Rennes, elles bondissent de 296 à 430, soit +45 %.
Quid du cadre légal ?
Pour protéger les locataires de ces pratiques abusives, la législation française a mis en place un arsenal de mesures adaptées. Par exemple, la loi du 6 juillet 1989 encadre les rapports locataires-bailleurs, fixe des mentions obligatoires pour le bail, interdit les clauses qui créent un déséquilibre excessif.
Parmi les clauses interdites ou réputées non écrites : l’imposition d’un prestataire imposé (assurance, services), le paiement de pénalités excessives ou interdiction d’animaux sans justification, etc.
Mais sur le terrain, force est de constater que le respect n’est pas systématique. Les locataires ne sont pas toujours informés de leurs droits, et les propriétaires peuvent abuser de cette méconnaissance. Par ailleurs, les recours existent (commissions de conciliation, tribunaux), mais ils demandent temps, argent, énergie et parfois un soutien juridique… ce qui peut sembler lourd quand le budget est déjà à l’os !
Attention aux clichés !
Attention tout de même à ne pas tomber dans le cliché « méchants bailleurs VS gentils locataires ». Si le marché est si complexe, c’est aussi parce que de nombreux propriétaires particuliers font face à des réalités pas toujours évidentes :
- les loyers impayés, avec des procédures longues et coûteuses pour récupérer un logement ;
les dégradations ou charges imprévues ;
- le risque de squat, qui reste une hantise pour les bailleurs : même s’il est rare, l’occupation illégale d’un logement peut bloquer un bien pendant des mois, avec des procédures de relogement complexes et coûteuses.
- l’exigence de performance énergétique, avec les audits obligatoires et l’interdiction progressive de louer des « passoires thermiques » ;
une fiscalité lourde : les loyers sont taxés comme des revenus fonciers (jusqu’à 45 %), auxquels s’ajoutent 17,2 % de prélèvements sociaux. Résultat : un bailleur imposé à 30 % peut voir près de la moitié de ses loyers partir en impôts et charges, surtout s’il n’a pas opté pour le régime fiscal le plus adapté à sa situation.
Un propriétaire qui loue un appartement 800 € par mois encaisse 9 600 € de loyers bruts par an. Après impôts, prélèvements sociaux et charges, son revenu net tombe souvent sous les 5 000 €. Pas vraiment de quoi encourager à investir… À moins d’opter pour un régime plus avantageux, comme la location meublée non professionnelle (LMNP), qui permet de déduire ses charges et d’amortir le bien pour alléger la facture fiscale.
Vers un statut du bailleur privé ?
C’est précisément pour inverser la tendance qu’avait été imaginé un « statut fiscal du bailleur privé », issu du rapport Daubresse–Cosson et porté par François Bayrou avant sa démission le 9 septembre dernier. L’objectif : redonner envie aux particuliers de remettre des logements sur le marché, en allégeant la fiscalité et en offrant un cadre clair et stable.
Parmi les mesures envisagées :
amortissement fiscal de 4 à 5 % par an, avec bonus pour les loyers abordables ;
abattement de 50 % jusqu’à 30 000 € de revenus fonciers ;
exonération de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) pour les logements loués en longue durée ;
- réduction du délai d’exonération des plus-values à 20 ans (contre 22 ans aujourd’hui pour l’impôt et 30 ans pour les prélèvements sociaux) ;
- déficit foncier rehaussé à 40 000 €, notamment pour financer des travaux de rénovation énergétique.
Ce statut devait figurer dans la déclaration de politique générale de François Bayrou le 8 septembre. Mais sa démission le lendemain a laissé le projet en suspens. Le débat devrait revenir dès le budget 2026. Car sans bailleurs privés, difficile d’espérer résorber la crise du logement…
Compliqué de trouver un terrain d’entente bailleurs privés / locataires ? À l’impossible, nul n’est tenu ! Plus de transparence, de garanties et un cadre clair pourraient très certainement aider à rétablir la confiance… En attendant, les experts Pretto décryptent chaque semaine l’évolution du marché immobilier pour éclairer vos projets.