Le patrimoine secret de l’État : que possède vraiment la France ?

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Alors que la dette publique occupe toutes les conversations, de la machine à café aux bureaux feutrés des ministères, on oublie souvent que l’État dispose d’un actif considérable et méconnu : son (imposant) patrimoine immobilier ! Préfectures, tribunaux, casernes, commissariats, universités… Un puzzle grandeur nature qui rappelle que, malgré les chiffres rouges du moment, la France peut aussi compter sur un patrimoine foncier qui envoie du lourd. Décryptage.
Les infos clés
En 2024, l’État gérait 96,7 millions de m², dont plus de 80 % lui appartiennent.
Ce parc représente 195 745 bâtiments et 31 170 terrains.
En 2023, 549 biens ont été cédés pour environ 222 millions d’euros.
Les redevances domaniales ont rapporté 119 millions d’euros.
Une pierre de taille…
En pratique, c’est la Direction de l’immobilier de l’État (DIE), rattachée au ministère de l’Économie, qui joue le rôle de grand gestionnaire. Son job ?
Faire le tri,
Vendre quand c’est pertinent,
Jongler entre besoins administratifs, patrimoine historique et transition écologique.
Des ventes régulières… mais ciblées
On imagine souvent l’État installé dans ses bâtiments historiques, mais il n’hésite pas à vendre quand cela fait sens. Ainsi, en 2023, 549 biens ont été cédés pour un total d’environ 222 millions d’euros (rapport DIE 2024).
Objectifs ?
Permettent de dégager des recettes,
Financer la rénovation,
Améliorer l’efficacité énergétique,
Adapter les bâtiments publics aux besoins actuels.
L’État ne gagne pas seulement de l’argent en vendant ses biens : il en tire aussi des revenus réguliers grâce à ce qu’on appelle les redevances domaniales. Ce sont les sommes versées par des particuliers, entreprises ou collectivités quand ils utilisent le domaine public, par exemple :
terrasse de café sur un trottoir,
kiosque,
péniche amarrée,
terrain ou bâtiment prêté,
passage de réseaux (eau, gaz, fibre…).
En 2023, ces redevances ont rapporté 119 millions d’euros (rapport DIE 2024). Autrement dit, c’est un peu comme si la France faisait fructifier son patrimoine… sans avoir besoin de le vendre !
Valoriser, moderniser, verdir
Au-delà des cessions, l’État cherche à mieux occuper ses bâtiments. Cela passe par la densification des bureaux, la mutualisation des espaces entre services, la rénovation plutôt que la reconstruction, et l’adaptation aux enjeux climatiques (isolation, ventilation, matériaux). Vous l’aurez compris, l’objectif est de faire « mieux avec moins », tout en maintenant une présence visible pour les usagers.
L’État valorise aussi certains biens via des occupations temporaires ou des conventions, qui génèrent des recettes complémentaires.
Ces choix ont des effets très concrets pour les territoires :
une cession peut transformer un quartier,
une cité administrative rénovée redynamise un centre-ville,
des regroupements de services libèrent des mètres carrés pour d’autres usages (logements, bureaux privés, équipements).
En 2023, l’État a cédé l’ancienne école d’architecture à La Défense pour 11 millions d’euros.
Autre vente notable : un centre de vacances à Saint-Raphaël pour 9 millions d’euros.
Un cas intéressant : un ancien commissariat abandonné à Marseille, vendu via une procédure de décote Duflot pour 1,5 million d’euros, avec engagement de l’acheteur de construire 80 logements sociaux sur le site.
Dans les Yvelines, un ensemble immobilier de 143 000 m² à Buc a été cédé pour 10 millions d’euros, dans le cadre d’appels à manifestation d’intérêt pour des projets de logements sociaux.
Toutes ces cessions et d’autres encore sont consultables ici.
Un projet de foncière pour rationaliser le patrimoine français ?
Reste que la gestion de ce patrimoine hors norme est loin d’être optimale. La Cour des comptes pointe régulièrement le manque de pilotage centralisé, chaque ministère occupant ses locaux sans réelle stratégie commune. Une gestion éclatée entre plusieurs ministères en somme !
D’ailleurs, au sein même du gouvernement, on admet qu’il y a du chemin à parcourir : Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, l’a reconnu en juillet 2025 en présentant la future foncière publique chargée de mieux gérer ces actifs. « Nous constatons que nous pouvons faire beaucoup, beaucoup mieux », a-t-elle affirmé.
Un aveu qui en dit long sur le potentiel encore sous-exploité de ce parc immobilier. Reste à savoir si ce projet, pensé sous le gouvernement Bayrou, continuera d’exister malgré la démission récente de ce dernier…
Dette d’un côté, patrimoine (hors norme) de l’autre : l’État gère son équilibre comme n’importe quel propriétaire. D’ailleurs, quand il s’agit d’acheter ou de vendre, la logique est la même : prévoir, arbitrer, négocier. Et pour mettre toutes les chances de son côté, on le dit et le redit, un courtier reste le meilleur allié !