Acheter clé en main : entre minimalisme et lifestyle de luxe, quelle est cette nouvelle façon de vivre la propriété ?

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Acheter un appartement où tout est déjà pensé, meublé, décoré, prêt à vivre, c’est le nouveau graal de certains acheteurs. Quelle est cette tendance immobilière du “clé en main” ? Qui sont ceux qui veulent “poser leurs valises” et ne se soucier de rien ? Nouvelle manière d’habiter un logement ou luxe extrême réservé à une élite ? On a enquêté.
Ils veulent “poser leurs valises”
Imaginez : vous arrivez dans l’appartement que vous venez d’acheter. Tout est déjà meublé, la déco a été pensée avec soin, les draps sont propres... Vous n’avez rien eu à faire à part déposer votre brosse à dents dans la salle de bain.
Voilà à quoi ressemble l’expérience de l'immobilier "clé en main". Certains biens ne sont plus seulement des lieux à habiter mais disposent de services complets dignes des meilleurs hôtels ou d’appartements Airbnb : mobilier design, linge de maison assorti, vaisselle stylée, œuvres d’art sélectionnées avec soin… C’est Pinterest grandeur nature.
Pour les clients les plus fortunés, la prestation va encore plus loin : accueil personnalisé, conciergerie, ménage régulier, domotique pilotable à distance… L’habitation devient une expérience à part entière.
Eh oui, quand on est riche, on ne s’encombre pas de virée chez Ikéa avec son mètre sous le bras, comme le commun des mortels. On va au plus vite, au plus pratique (et au plus luxueux, aussi), en achetant un bien clé en main déjà meublé, décoré (avec quelques objets d’art, pourquoi pas) pour s’y installer sans charge mentale.
Difficile d’estimer exactement le coût d’un tel service puisque plusieurs paramètres : le type de propriété, les prestations, mais aussi le niveau de sur-mesure.
Toutefois, en se basant sur les biens luxueux que la famille Kretz proposent à la vente, cela nous donne un petit ordre d’idées : d’un côté, des biens à 500 k‑700 k € (fermes, petites maisons) ; de l’autre, des résidences exceptionnelles allant jusqu’à 80 M €.
Cela illustre bien le positionnement très haut de gamme de la famille Kretz dans l’immobilier de luxe.
Consommer l’habitat
Derrière cette approche ultra-pratique, c’est aussi le rapport au logement qui évolue.
Il y a encore une trentaine d’années, on achetait une maison ou un appartement pour y bâtir un foyer. On savait qu’on allait passer a priori toute sa vie dans ce logement, d’abord avec toute sa famille, puis pour ses vieux jours. On prenait donc le temps d’investir les lieux, d’y faire des travaux, de l’aménager avec soin… Bref, on faisait notre nid.
Aujourd’hui, certains consomment la propriété comme ils achèteraient une voiture haut de gamme : un produit tout inclus, livré et prêt à l’emploi.
Une certaine forme d’uberisation de l'immobilier, qui séduit notamment les digital nomads, ces personnes qui peuvent travailler à distance sur leur ordinateur et dont le mode de vie est basé sur les voyages fréquents.
Pour ces voyageurs sans attache, le logement clé en main coche toutes les cases. Ils sont toutefois plus adeptes de la location, voire de la sous-location, un format qui convient parfaitement à leur mode de vie nomade. Clara, 28 ans, digital nomad dans le marketing actuellement installée à Hanoi au Vietnam, nous partage son expérience :
“Je n’ai pas vraiment de chez moi, comme je voyage souvent. C’est pour ça que j’adore les logements clés en main où tout est meublé, décoré avec goût. Je n’ai rien à penser, ou à acheter, juste à mettre mes vêtements dans la penderie et à remplir le frigo, point barre. C’est un gain de temps et d’énergie.”
- Si ce segment reste encore réservé à une clientèle fortunée, elle n’est pas homogène pour autant. Parmi les profils types, on retrouve :
- des ultra-riches qui multiplient les résidences secondaires sans vouloir y consacrer du temps ;
- des expatriés ou digital nomads premium, qui veulent un pied-à-terre confortable et immédiatement fonctionnel ;
- des investisseurs aguerris qui misent sur la rentabilité rapide d’un bien sans surprise.
Qu’est-ce que ça signifie “être chez soi” ?
Cette logique de consommation de l’habitat, fluide et temporaire, séduit ceux qui veulent optimiser leurs vies, qu’ils soient ultra riches ou nomades. Mais elle interroge aussi.
Que devient la notion de chez-soi si tout est déjà incarné ? Qu’est-ce qu’on apporte vraiment de nous dans un logement qui a été pensé par un autre ? Est-ce qu’on investit les lieux de la même façon ? Un peu comme si on vivait à l’hôtel en permanence… Si, sur le papier, ça peut faire rêver, on est souvent heureux de retrouver son chez soi, même après les vacances les plus mémorables,
Comme le chanteur Orelsan le dit : Après avoir fait l'Tour du Monde Tout c'qu'on veut, c'est être à la maison.
Au-delà du confort, il y a aussi la question de la personnalité, ce qu’on met de soi dans sa maison. Les passionnés de décoration, ceux qui aiment peindre, casser des murs et sélectionner avec soin le bon pantone pour chaque pièce de la maison, s’offusqueraient d’une pareille privation.
Comment se sentir chez soi si on ne peut pas choisir la couleur des murs, incorporer ce bon vieux canap’ qu’on trimballe depuis 20 ans, disposer ses trouvailles de chine cumulées au fil des années ?
Pour Claire, l’âme d’un logement se révèle quand on y a mis du temps, de l’énergie et de la sueur :
"Je ne peux pas me projeter dans un bien si je ne le façonne pas selon mes envies. J'aime repenser un espace, dessiner des aménagements, les imaginer, bricoler aussi. Bien sûr que c'est chronophage et énergivore (surtout quand on a des enfants), mais je trouve que c'est aussi un bel espace pour exercer sa créativité. Je passe du temps sur Pinterest à chercher des idées, j'adore chiner. Pour moi la déco, c'est une façon d'exprimer sa personnalité et de créer un lieu où on se sent vraiment bien. Et puis j'aime aussi transmettre ce goût là à mes fils."
Derrière le clé en main, une quête du minimalisme ?
Mais ne jetons pas la pierre à tous les adeptes de la tendance clé en main. Certains n’ont ni les compétences, ni parfois l’envie de se lancer dans d’importants travaux de décoration. Tout le monde n’a pas une Valérie Damidot qui sommeille en soi !
Par ailleurs, d’autres sont attirés par ce mode de vie par souci de minimalisme : ils ne souhaitent plus accumuler, ils veulent s’alléger. Fini les meubles de famille, les souvenirs de voyages ou les objets chargés d’émotions. Ils veulent vivre libres et légers, sans attaches et sans soucis, comme Sacha Distel le chantait (plus ou moins).
Un rapport à la propriété différent, comme l’expliquait la prospectiviste Fabienne Goux-Baudiment dans une interview Sans Compromis sur notre chaîne Youtube.
On est clairement à des années-lumière de la clientèle de la famille Kretz… où le minimalisme ne fait pas vraiment partie du décor !
Ça dépend, ça dépasse ! Si la propriété présente un bon emplacement et un potentiel de valorisation (marché tendu, rareté du produit, adresse recherchée), cela peut constituer une résidence secondaire de prestige ou un investissement locatif haut de gamme (notamment en location meublée saisonnière). À envisager seulement si l'acquéreur est déjà solidement établi, cherche à diversifier son patrimoine, et assume les charges associées à ce type de bien.
La tendance du clé en main, en nette croissance dans les métropoles comme Lisbonne, Bali ou Barcelone, bouscule notre vision traditionnelle de la propriété. Le “chez-soi” n’est plus un lieu qu’on façonne au fil des années, c’est un produit prêt à vivre, livré sans délai. Et vous, seriez-vous prêt à adopter une vie simplifiée, quitte à renoncer à une part d’appropriation de votre espace ?