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Urbanisme, désertification, perception : pourquoi une ville devient "chiante" ?

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Alexandra
Rédigé le 16 mai 2025
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Ah, la fameuse "ville ennuyeuse", celle où il ne se passe pas grand chose, où les rues semblent vides dès 18h… Mais derrière ce cliché un peu facile, que cache vraiment cette étiquette ? On a fouillé, creusé et scruté pour mieux comprendre ce phénomène à travers l’urbanisme, l’aménagement du territoire… Et surtout, on a écouté quelques habitants et voyageurs qui ont mis un pied dans une ville ennuyeuse. Parce qu’une ville "morte", ça ne veut pas toujours dire la même chose pour tout le monde. Mais ça veut dire quoi exactement ?

Quid des villes les plus

On le sait pertinemment, les classements des "pires" villes, des plus "moches" ou des "chiantes" sont notées subjectivement. Exemple avec le site Topito, roi des classements et de la mauvaise foi reconnue, qui après un sondage auprès de ses lecteurs a fini par classer les villes les plus "chiantes". Verdict :

1- Cholet (Maine-et-Loire - 49)

2- Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine - 92)

3- Saint-Denis (Seine-Saint-Denis - 93)

4- Sablé-sur-Sarthe (Sarthe - 72)

5- Limoges (Haute-Vienne - 87)

6- Lens (Pas-de-Calais - 62)

7- Brive-la-Gaillarde (Corrèze - 19)

8- Lisieux (Calvados - 14)

9- Morlaix (Finistère - 29)

10- Mâcon (Saône-et-Loire - 71)

En 20e place se trouve Amiens (Somme - 80) et à la 30e, Cannes (Alpes-Maritimes - 06). Alors, plutôt d’accord ou pas d’accord ?

Comprendre le concept de ville ennuyeuse à travers l’exemple d’une ville agréable

Selon Ariella Masboungi, architecte-urbaniste, lorsqu’une ville tourne le dos à la nature, elle en devient ennuyeuse. Pour elle, la physionomie d’une ville n’est pas "uniquement le fait des pouvoirs publiques ou d’un maire, l’urbanisation est souvent le fait de la spéculation, et, lorsque le marché prend le dessus sur la qualité de vie ou sur le paysage, cela donne des choses moins envoûtantes, plus ennuyeuses", comme elle l'explique au micro de France Culture.

Alors, si on prenait la ville ennuyeuse dans son sens contraire pour mieux comprendre comment la palper ?

L’architecte-urbaniste fait référence à Barcelone, une ville bien dessinée, ordonnée tout en étant quelque peu alambiquée car construite autour d’un quartier historique complexe, puis agencée via un quadrillage et des diagonales qui "cassent ce système". Barcelone est une ville dans laquelle il est possible de se repérer aisément grâce à son paysage et à ses monuments environnants. Quant à l’espace public, il laisse une place prépondérante à l’humain avec d’immenses trottoirs et des zones piétonnes extrêmement présents (à hauteur de 50 % dans la ville). Cerise sur le gâteau, Ariella Masboungi indique que "la ville de Gaudí" jouit d’un ennui inexistant puisqu’en foulant son bitume, le visiteur sait "comment utiliser son temps tant il y a des choses à faire".

La ville ennuyeuse serait-elle donc tout le contraire de cette ville dynamique et correctement agencée qu’est Barcelone ? Si c’était le cas, elle consacrerait alors peu de place à l’homme, ne possèderait pas de centre historique ni de beaux bâtiments, pas d’intérêt pour la promenade ou pour se perdre dans ses différentes rues et ruelles et sans activité ludique non plus. Certes, cela s’en approche, mais c’est un peu plus compliqué que ça en a l’air…

Bien penser la ville pour éviter l’ennui

D’un point de vue de l’urbanisme, Ariella Masboungi explique que les villes sont pensées de telle façon que ni les constructeurs de routes, ni les promoteurs, ni ceux qui créent les transports ou les réseaux le font en totale adéquation - en tout cas c’est rare - et cela "fabrique de l’incohérence et de la dureté urbaine".

Aujourd’hui, ce rapport entre les éléments qui font que la ville est ennuyeuse est retravaillé. Certains urbanistes ou paysagistes comme Patrick Bouchain ou Alexandre Chemetoff ont bien compris que raser des bâtiments pour reconstruire peut amener à créer une ville encore plus triste et désolante. Ils conservent donc l’existant, le repensent, le modifient pour mélanger les styles, les fonctions et les âges des bâtiments et faire de la ville en général, un lieu plus dynamique, plus graphique et donc moins… ennuyeux !

Pour Ariella Masboungi, pour qu’une ville soit la moins ennuyeuse possible, les élus doivent porter leur vision de la ville et "s’engager pour l’embellir", mais ils sont parfois "obligés de prendre des décisions très très difficiles" pour l’urbaniser. Elle insiste aussi sur l’importance d’un échange et d’une cohésion entre ces élus et la population - plus spécialement les usagers - pour repenser la ville et la rendre "moins chiante", un terme issu de son ouvrage "La ville pas chiante".

Il reste néanmoins compliqué de décider si une ville est ennuyeuse ou non, puisqu’elle est façonnée par son histoire, les décisions de ses élus, son relief, son paysage, son climat, sa position sur le marché de l’immobilier, etc. Et puis, les villes qui étaient ennuyeuses et qui ont su rebondir comme Bordeaux avec ses quais ou Nantes et son île sont aujourd'hui victimes de leur succès et devenues chères. Problème : elles peuvent potentiellement devenir ennuyeuses car leur réussite fait aussi grimper les prix de l’immobilier et cela contribue à anéantir la diversité et "peut tuer leur créativité", explique Ariella Masboungi.
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Un secret pour rendre une ville moins ennuyeuse dans le futur ?

Pour Ariella Masboungi, un des grands enjeux de la ville du futur qui se veut animée est de montrer ce qu’elle nomme "une architecture amicale". Il s’agit de redonner vie aux rez-de-chaussée des immeubles avec* “un hall transparent derrière lequel on voit un jardin ou [par exemple] une université qui mettrait sa bibliothèque ou sa cafétéria en façade. C’est-à-dire montrer à la ville des choses vivantes, cela permet d’oublier la hauteur !"*

Qu’en pensent les habitants ?

Côté résidents, la vision de la ville ennuyeuse n’est pas forcément celle d’Ariella Masboungi, ou pas totalement. Souvent, une ville ennuyeuse est une ville qui manque totalement d’attractivité.

Certains forums donnent la parole aux habitants des quatre coins du monde, qui y expliquent en quoi ils trouvent une ville ennuyeuse. Et évidemment, les avis divergent et les critères mis en avant ne sont pas les mêmes.

Les critères de jugement

Le média en ligne Time-Out publie régulièrement des classements de villes dont les "50 meilleures villes du monde". Plusieurs milliers de personnes y donnent leur avis en partant des critères suivants : le dynamisme, la qualité de vie, l’offre gastronomique, la communauté / vie de quartier, l’accueil des habitants, le coût de la vie. Ne nous y trompons pas, les villes ennuyeuses sont, elles aussi, caractérisées selon ces critères, sinon, comment pourrait-on comparer ?

Ainsi, Dubaï se trouvait en tête des villes les plus ennuyeuses du monde. Oui, vous avez bien lu… Dubaï, cette ville qui voit en permanence sortir de terre des bâtiments aussi divers et incongrus les uns des autres dans un paysage lunaire. Mais un élément déroge à la "règle" mise en avant par Ariella Masboungi : l’existant. C’est justement ce qui est reproché à la métropole : le manque d’âme et une impossibilité de flâner dans des rues typiques comme en Europe. Mais là où certains y voient un défaut bien ennuyeux, d’autres préfèrent parler de Dubaï comme la ville de la démesure et c’est ce qui la rend profondément divertissante à leurs yeux.

Pour mieux comprendre ce qui caractérise une ville ennuyeuse, nous avons questionné quelques personnes, parmi lesquelles de grands voyageurs et d’autres plus casaniers.

Selon Astrid, 65 ans, ayant l’habitude de "voyager un peu", une ville pénible est "une ville où il n’y aurait rien à visiter, où l’on doit veiller à poser les pieds par crainte de marcher dans une déjection canine, où les gens seraient impolis, irrespectueux, où il n’y aurait pas de parc, ni de lieu pour s’installer au calme ou au vert et où l’insécurité régnerait".

Pour Axel, 38 ans, grand voyageur, les villes ennuyeuses qu’il a visitées ne le sont pas forcément pour les mêmes raisons. Un des critères est qu’une ville qui suscite l’ennui "possède un centre ville insignifiant, un peu comme Niort (désolé les Niotais !). Aberdeen en Écosse est une ville grise et pétrolière et ce n’est pas très engageant, c’est même triste ! Quant à Sunderland en Angleterre, il s’agit d’une ville très pauvre avec beaucoup de problèmes socio-économiques. Cela ne donne pas envie d’y séjourner."

Florent, 53 ans, plutôt casanier, pense qu’"une ville ennuyeuse est une ville où il pleut tout le temps et où il y a peu de travail". Mais il s’agit de son stéréotype de ville ennuyeuse puisqu’il pense malgré tout que chacune d’entre elle possède "une spécificité qui la rend intéressante, il suffit de creuser !"

Matthew, 35 ans, globe-trotter et "à l’aise partout dans le monde" estime que l’ennui se ressent dans une ville lorsqu’"on ne peut pas se promener à vélo, à pied ou en rollers. Je mesure aussi l’ennui d’une ville lorsque je n’y trouve pas de bonne boutique de chocolat et de chaussures”. Chacun ses critères, originaux ou basiques !

Léonore, 41 ans, a "visité pas mal de pays et vécu en Jordanie". Pour elle, les villes ennuyeuses restent "ces villes dortoirs à proximité des métropoles qui, elles, ont ‘tout’. Les habitants vont ailleurs car les commerces de proximité ont fermé, les centres villes ne sont pas animés et l’histoire est pauvre". Et en Jordanie, y’a-t-il des villes ennuyeuses ? "Non, car j’étais tellement heureuse d’y vivre que je trouvais un intérêt à me déplacer partout et je regardais tout ! Mais je me souviens avoir traversé des villes construites autour de routes aux États-Unis. Le genre d’endroit où l’on s’arrête pour acheter une bouteille d’eau et on repart."

Mais est-ce vraiment la faute de la ville si elle est ennuyeuse ?

Eh bien non ! Ce n’est pas parce qu’une ville paraît ennuyeuse au premier regard qu’elle l’est forcément. C’est parfois juste une question de perception. Un féru de calme et de méditation se sentira bien dans une ville pourvue en espaces verts, alors qu’un fêtard n’y trouvera peut-être pas totalement son compte. Un amateur de culture et de sport sera en manque d’adrénaline dans une ville sans musées ni infrastructures sportives située en pleine campagne, mais un adepte du slow living peut y trouver son bonheur.

Si la ville est ennuyeuse, ce n’est pas de son fait. Comme l’explique Ariella Masboungi, les villes ne se sont pas formées uniquement sur la volonté des pouvoirs publics, mais elles existent aussi "à cause" de ceux qui construisent la ville, notamment les promoteurs, les constructeurs de routes, etc.

Alors, si l’on résume, si une ville est ennuyeuse, c’est la faute de sa place peu attractive sur le marché immobilier, de son histoire barbante, de l’émancipation des villes voisines, de l’inattention de ses habitants pour préserver leur environnement, des initiatives locales inexistantes, du manque d’espaces verts, de la désertification de certains lieux, du délaissement d’immeubles, de la destruction et de la reconstruction insipide de quartiers, de la vision urbaniste à court terme des élus locaux, mais aussi de l’œil critique de ses visiteur

Finalement, une ville ennuyeuse ne serait-elle pas une ville que l’on ne regarde pas du bon angle ? Bien sûr, certaines sont objectivement plus dynamiques que d’autres, mais l’ennui est aussi une question d’attitude. Et puis, si une ville est réellement étiquetée "ennuyeuse" par tout un chacun, Ariella Masboungi nous prouve, à travers sa vision de la ville "chiante", qu’il sera toujours possible de lui redonner un nouvel élan et une attractivité. Rien n’est irrémédiablement ennuyeux, pas même une ville !

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