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L'investissement au féminin : portraits de femmes qui construisent leur avenir

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Catherine
Publié le 08 mars 2024
L'investissement au féminin : portraits de femmes qui construisent leur avenir

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, nous avions envie de mettre en lumière celles qui osent investir, et se construire un futur loin des chemins tout tracés. On est allé à la rencontre de (jeunes) femmes qui s’éduquent en matière d’investissement, achètent, rénovent, gèrent, pour se constituer un patrimoine. Et nous inspirent par la même occasion.

Avant de vous lancer dans la lecture de notre article - que vous lirez jusqu’au bout, on en est sûr - on vous propose un petit exercice. Fermez les yeux. Maintenant, imaginez une personne propriétaire de plusieurs biens immobiliers, et pourquoi pas d’un joli portefeuille d’actions. Question : s’agit-il d’un homme ?

On a beau aimer démonter les idées préconçues, certains clichés ont la vie dure. Et c’est le cas lorsqu’on pense à l’investissement. Il faut dire que tout, du cinéma aux réseaux sociaux, inonde notre imaginaire d’images d’hommes en costards cravate, adossés à leur voiture de luxe. Au-delà du stéréotype, les chiffres sont formels : l’investissement est genré. 65 % des investisseurs dans le logement locatif sont des hommes, par exemple, selon une étude dévoilée en mars 2022 par le site de gestion locative Flatlooker.

Alors, comment font les femmes pour se faire une place dans cet univers masculin ? Qu’est-ce qui les anime, les motive, quel est leur objectif ? On est allé à la rencontre de trois femmes qui investissent. Toutes viennent de la classe moyenne, voire ont connu une certaine précarité. Et si leurs ambitions sont différentes, une chose les rassemble : celle de vouloir décider de leur futur.

Le déclic

Cela fait maintenant 10 ans qu’Allison Jungling a fait de sa passion pour l’immobilier un métier. Pourtant au départ, rien ne la prédestinait à devenir multi-propriétaire. “J’étais vendeuse au Luxembourg. Tous les jours, je faisais la navette entre la boutique qui m’employait et Metz, où j’habitais. J’avais des horaires imposés et j’étais toujours dans le train, dans les bouchons. Résultat je ne voyais pas mon fils.”

Alors jeune maman de 22 ans, elle touchait 1 700 euros pour 40 heures de travail (“et 4 heures de trajet par jour”). Elle était déjà propriétaire d’un bien, acheté pour offrir une maison avec jardin à son petit garçon.

Un jour, elle tombe sur le témoignage d’une femme à peine plus âgée qu’elle, devenue rentière grâce à ses investissements locatifs. “Je me suis dit ‘si elle l’a fait, je peux aussi le faire’.” Son premier achat en tant qu’investisseuse : une maison qu’elle négocie comme une pro et qu’elle divise en 3 appartements. Dix ans plus tard, elle est propriétaire de 30 biens, pour la plupart des logements qu’elle rénove de A à Z et qu’elle aménage avec goût. Investir et gérer ses biens est désormais devenu son occupation à temps plein.

Julie, 35 ans, est elle opticienne. Son premier achat, elle l’a effectué il y a 5 ans. Locataire, elle opte pour l’investissement locatif plutôt que d’acheter sa résidence principale. Ainsi, elle achète seule un bien à Granville, en Normandie, qu’elle loue d’abord pour des touristes avant de passer à la location de longue durée. Elle réitère l’opération quelques années plus tard à Rouen et au Mans. Toujours de petits appartements qui lui coûtent moins de 100 000 euros à l’achat.

Pour aller plus loin : Faut-il louer ou acheter en 2024 ?

Et ne pensez pas que ses parents lui ont insufflé le goût pour l’investissement : ils ne sont pas propriétaires. “Je suis très ambitieuse”, nous explique-t-elle. Alors qu’autour d’elles, certains de ses amis (qui gagnent de confortables salaires) la regardent comme un OVNI ou prétendent qu’elle est “riche” pour investir ainsi, elle ne se démonte pas. “Mais non, c’est la banque - et le locataire qui paie - et c’est ça qui est génial”.

À elle tout de même la prise de risque et la gestion de ses biens, dont elle s’occupe entièrement seule.

Vouloir se construire une vie meilleure - et se protéger du pire

Allison ne se voyait pas salariée toute sa vie, à enchaîner les trajets pour un travail fait sans passion. Julie, elle, investit pour l’avenir, avec l’envie de se construire un patrimoine qui la rassure et lui permettra de léguer quelque chose à ses enfants - elle en a aujourd’hui deux. Alba, quant à elle, a choisi de s’éduquer à la finance pour se prémunir des difficultés connues par ses parents.

Salariée d’une start-up parisienne, elle a commencé à investir il y a 4 ans. “Ce qui m’a motivée au départ, c’est la situation financière de mes parents. Quand j’étais jeune, ils ont très bien gagné leur vie. Puis, après leur divorce, mon enfance a été marquée par leurs problèmes financiers. On les entendait en parler. Même si on n’a manqué de rien, on voyait les changements, dans leurs achats de nourriture notamment.

J’en faisais des crises d’angoisse. Rapidement c’est devenu une obsession pour moi, et à 18 ans j’ai commencé à faire des calculs, pour savoir combien je devrais gagner pour être autonome quand je partirai de chez eux.

Vers 22 ans, elle rencontre un ami de sa sœur, banquier, qui la familiarise avec l’assurance vie. “J’en ai ouvert une dans ma banque, en gestion pilotée. Mais je voulais comprendre comment ça fonctionnait. Alors je me suis renseignée, sur internet, notamment sur Youtube, ou je lisais les livres sur le sujet dans les librairies. Ensuite j’en ai ouvert une deuxième que je pilote seule.

Depuis, elle investit aussi en bourse et dans les crypto-monnaies. Son mantra : “Il faut que je construise quelque chose pour ne jamais me retrouver à la rue”. C’est ce fort besoin de réassurance qui la pousse à consacrer une grande partie de son temps - et de son argent - à l’investissement. “Je me fiche de vivre dans un certain minimalisme, de ne pas m’acheter beaucoup de vêtements etc. Ce qui passe avant, c’est le fait d’investir mon argent.

Prochaine étape pour elle : investir dans la pierre, en achetant un bien à mettre en location.

Le manque d’éducation financière, une barrière à surmonter

Ce besoin de s’éduquer financièrement nettement perçu chez Alba, c’est l’une des clés permettant aux femmes de se lancer dans l’investissement. Car si d’une façon générale, une majorité de Français manque de culture en matière de gestion budgétaire, les lacunes en la matière se ressentent d’autant plus chez les femmes.

Dans une étude titrée “Les femmes et l’investissement” menée par l’institut Kantar pour J.P. Morgan en Europe (et notamment en France) en janvier 2021, le manque d’informations est pointé du doigt comme la principale barrière rencontrée par les femmes quand il s’agit d’investissement. 48 % aimeraient bénéficier de conseils simples pour savoir comment investir.

À noter
Du 18 au 23 mars prochains, 750 000 élèves auront l’opportunité de découvrir les aspects pratiques des questions budgétaires et financières lors d’une sensibilisation menée par la Banque de France. En savoir plus.

D’ailleurs, la France se trouve en queue de peloton dans cette étude, avec seulement 50 % de femmes qui y investissent, contre 69 % en Finlande ou en Suisse, et 71 % en Allemagne. La faute à une éducation pas assez poussée, et à des stéréotypes de genre bien ancrés qui les poussent à jouer la carte de la prudence quand il est question d’argent - et d’éviter des placements considérés comme risqués, tels que les actions en bourse (elles sont seulement 17 % à s’y intéresser, versus 32 % des hommes, selon le baromètre “Les femmes et l’investissement” publié par l’Autorité des marché financiers en mars 2023)

Alireza Gorzin, président de BFG capital, un groupe de conseil en stratégie et analyse de risques, le confirme : “Lorsque nous analysons les indicateurs clés de performances des portefeuilles dits ‘féminins’ que nous récupérons en gestion, nous observons des ratios rendements/risques plus déséquilibrés de la part des dames que des messieurs. Nos analyses nous orientent en termes de réponse à ce constat vers une hyper prudence féminine.

Une pondération qui impacte aussi leurs investissements locatifs. Dans l’étude du site de gestion locative Flatlooker de mars 2022 citée plus haut, il apparaît que celles qui se lancent gagnent moins que les hommes. Leurs revenus locatifs sont inférieurs de 16 % en moyenne. Cités en explications, les biais cognitifs et les stratégies prudentes qui poussent les femmes qui investissent à prendre moins de risques, et donc à en tirer une rémunération plus faible.

Reprenons l’exemple de Julie. Son premier achat à Granville lui rapporte 50 euros par mois. Un cashflow (bénéfice, ndlr) très réduit - mais son but n’était pas d’y gagner tout de suite de l’argent. D’autres parviennent à vivre de l’investissement - ou des conseils qu’elle prodigue, à l’image d’Allison, aujourd’hui formatrice.

Une prudence née des inégalités

Si on juge souvent les femmes plus prudentes et moins audacieuses que leurs confrères masculins en matière d’investissement, cela ne tient ni à un manque d’intelligence (non, la bosse des maths n’est pas qu’un truc de mecs), ni un trait de caractère intrinsèquement féminin, qui serait marqué dans les gènes - comme la passion pour le rose ou les comédies romantiques.

Si elles se montrent plus prudentes avec leur argent, c’est parce qu’on leur a longtemps interdit d’en avoir la gestion. Pour rappel, le code Napoléonien de 1804 a instauré le statut de mineure de la femme mariée. En clair, en échange de son obéissance, l’épouse avait droit à la “protection de son mari”. À elle la charge de la gestion de la maison et des enfants, à lui celle du travail extérieur et des finances. Il a fallu attendre la loi de juillet 1965 pour qu’une femme puisse ouvrir un compte en banque sans l’aval préalable de son mari.

Et si cela peut sembler tenir aujourd’hui du folklore, les inégalités entre hommes et femmes perdurent, que ce soit en matière de salaire (en 2019, les salariées du privé étaient payée 16,8 % de moins que leur collègues, selon l’Insee), de recours au temps partiel - souvent pour s’occuper des enfants - selon les chiffres du Ministère du Travail, plus d'une femme sur quatre travaille à temps partiel (26,7 %) contre moins d'un homme sur dix (7,5 %). Un écart qui se matérialise forcément sur leurs finances.

Et ces inégalités se répercutent à la retraite. Un rapport de la Cour des comptes publié en mai 2023 indique que la pension moyenne des femmes est de 28 % inférieure à celle des hommes (un chiffre qui grimpe à 40 % si on retire la pension de réversion - la partie de la retraite du conjoint décédé versée au conjoint survivant.

Bon à savoir

L’écart moyen de patrimoine entre hommes et femmes tend aussi à se creuser. Ainsi, selon une étude de 2020 publiée par l’Ined (l’Institut national d’études démographiques), il est passé de 7 000 euros en 1995 à 24 500 en 2015.

Rien d’étonnant, vu ces chiffres, à ce que les femmes aient une posture plus timorée en matière d’investissement (80 % des femmes se définissent comme des” investisseuses prudentes” selon une étude OpinionWay pour Atland et Fundimmo parue en 2021). Lorsqu’on a peu d’argent à investir et peu de certitudes sur son avenir, on est naturellement précautionneux.

Du besoin d’avoir des modèles

Allison nous le disait tout de go : avoir vu une femme se lancer dans l’investissement locatif - et en vivre - a été un déclencheur dans son projet de changer de carrière. Ces role models, les femmes en manquent cruellement, et pas seulement dans le domaine financier. Dans le sport, aux postes de direction, en politique, le fait de voir des femmes aux commandes est essentiel pour se dire “Moi aussi, je peux le faire”.

Dans le milieu de l’immobilier, il y a plein d’hommes mais des femmes, pas tellement”, souligne Allison. “Quand je suis arrivée sur les réseaux sociaux il y a 3 ou 4 ans, il y en avait même zéro. Aujourd’hui, 80 % de ma communauté est composée de femmes, et elles représentent 98 % des personnes qui suivent mes formations. Je n’ai pas choisi de les cibler particulièrement, je souhaite parler à tout le monde. Mais en tant que mère célibataire, je pense qu’il était plus facile de s’identifier. Il faut leur montrer que c’est possible, étape par étape, avec un modèle.”

Dans le cas de Julie, la position de “role model” s’est inversée, et c’est elle qui a inspiré sa mère, locataire, à investir dans l’immobilier. Marchant dans les pas de sa fille, elle a acheté un appartement à Rouen, qu’elle a mis à la location. Comme quoi il n’y a pas d’âge pour se lancer.

Se former, oser, ne pas mettre tout son argent dans le même panier, autant de recommandations qu’on retire de nos entretiens. Ça et de ne pas se laisser faire. Ces investisseuses ont dû faire face à l’étonnement, aux critiques (“Tu dois être riche pour investir”) et à la misogynie.

Une fois, j’arrive sur l’un de mes chantiers”, nous raconte Allison. “Un artisan devait me faire un devis. Il fait le tour du bien et à la fin, me dit ‘Sinon on a qu’à attendre votre mari.’ Je lui ai rétorqué qu’il n’y avait pas de mari et que c'était moi qui achetait.”

Le chemin à parcourir en vue de l’égalité homme-femme par rapport à l’investissement est encore long. Mais on peut compter sur des personnes inspirantes pour montrer la voie.

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