Acheter à deux : une sexologue alerte sur les pires erreurs à éviter

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63 % des Français estiment qu’acheter un bien immobilier à deux est plus engageant que d’avoir un enfant ou de se marier. Mais qu’en est-il vraiment ? On fait le point avec la sexologue clinicienne Clémence Rérolle qui nous dévoile les grands pièges à éviter quand on décide de s’engager à deux dans un achat immobilier.
Erreur n°1 : Croire que l’amour suffit
“Il suffit d’être amoureux pour signer à deux chez le notaire.” Faux.
Plus qu’un projet rationnel ou patrimonial, c’est souvent une étape hautement émotionnelle. Et aussi, parfois, un terrain miné.
“L’achat immobilier est souvent vu comme une étape structurante dans le couple. Ce qu’on appelle “escalator relationnel", le script de la relation romantique : la rencontre, le mariage, l’achat, les enfants. Mais acheter, ce n’est pas qu’un acte romantique, cela implique des considérations pragmatiques et économiques”, alerte la sexologue.
Clémence Rérolle est sexologue clinicienne, spécialisée dans les dynamiques relationnelles et les transitions de vie dans le couple. Elle accompagne, en cabinet ou à distance, les personnes et les couples autour de leur sexualité, leur communication et leurs projets de vie.
Chaque étape est censée “valider” la solidité du couple. Mais en réalité, cela peut conduire à des choix précipités ou mal alignés avec les besoins réels de chacun.
D’autant plus au début d’une relation où la passion amoureuse est encore très vive et conduit à idéaliser l’autre. Attisé par un cocktail d’hormones (ocytocine, dopamine), on peut alors agir de façon impulsive et prendre des décisions non réfléchies.
On peut vouloir aussi acheter pour “sauver” son couple lorsqu’on sent que la dynamique amoureuse bat de l’aile. On tente le tout pour le tout pour relancer la machine !
Dans ces différentes situations, la sexologue conseille de ralentir et de prendre le temps de se poser les bonnes questions :
Pourquoi est-ce qu’on veut acheter ?
Qu’est-ce que ça symbolise pour moi et pour l’autre ?
Quel est mon rapport à l’argent ?
Comment est-ce qu’on va investir ensemble ?
Est-ce qu’on a déjà abordé ensemble les sujets d’argent ? Nos peurs, nos héritages émotionnels à ce sujet ?
Erreur n°2 : Éviter les vraies discussions : argent, sexe, espace
Effectivement, acheter ensemble ne signifie pas seulement partager un prêt et des murs. Cela implique aussi de redéfinir les espaces intimes, les rôles dans le couple, et de faire évoluer la communication.
Or, certains sujets restent encore très tabous, même dans les couples les plus soudés. Clémence Rérolle en cite trois principaux :
- L’argent, un grand non-dit, qui réveille parfois des tensions de pouvoir ou d’inégalité. Les dynamiques financières structurent en effet fortement les rapports dans le couple, et peuvent entraîner des inégalités au sein des couples, en particulier dans les couples hétérosexuels.
On parle d'infidélité financière pour décrire des comportements qui visent à cacher ses revenus, dissimuler des dettes, masquer des gros achats au sein d’un couple… Une infidélité qui entraîne la perte de confiance lorsqu’elle est découverte. Selon une étude américaine, 1 couple sur 3 aurait déjà expérimenté une infidélité financière.
- La sexualité est souvent impactée par le changement de dynamique (emménagement ensemble, travaux, fatigue, perte de mystère…). La cohabitation amène son lot de changements, c’est tout à fait normal.
L’experte souligne que l’être humain oscille en permanence entre deux besoins essentiels : la sécurité et le renouveau. Or, plus un couple s’ancre dans la sécurité, notamment en achetant, plus le besoin de nouveauté peut passer au second plan. Or, pour beaucoup, c’est justement l’inattendu, le renouveau, qui alimente le désir et l’érotisme.
- Le besoin d’intimité et d’espace, qui peut être confondu avec du désamour. Or, nous avons toutes et tous, des besoins spécifiques en termes d’espace. Il est ainsi important de se poser cette question en toute transparence : de quel type d’espace physique ai-je besoin pour alimenter et cultiver cette individualité au sein de mon couple ?
On peut se programmer de vrais moments de discussion thématique : une “soirée argent”, une “soirée sexualité”, une “soirée projections”. Si cela ne semble pas forcément glamour sur le papier, c’est très bénéfique pour se dire les choses et éviter l’explosion.
S’ouvrir sincèrement à l’autre pour explorer ses besoins profonds, même si cela révèle des désaccords. Car les conflits font partie de toute relation, surtout ils sont une occasion précieuse de mieux se connaître, soi-même et l’autre, et de construire des compromis durables.
Erreur n°3 : Se figer dans des rôles… et perdre le lien
“Quand on emménage ensemble, il y a parfois des rôles qui se figent. La femme devient souvent la gestionnaire, et l’homme celui à qui on délègue. Or, cela impacte énormément le désir dans le couple en créant une dynamique un peu “parents-enfants”, alerte Clémence Rérolle.
Pour l’experte, le problème, ce n’est pas tant que les rôles apparaissent, c’est qu’ils se figent. Qu’ils deviennent des caricatures. Et qu’on oublie de se demander : pourquoi je me comporte comme ça ? Qu’est-ce que je cherche à exprimer, à protéger ?
Dans ce contexte, elle recommande de poser à plat les comportements de chacun afin de prendre conscience de sa propre dynamique, bien souvent inconsciente. On peut par exemple faire un point régulier sur le ressenti de chacun, comme une sorte de “bilan d’étape”.
Est-ce que je me sens toujours libre chez moi ?
Est-ce que je suis respecté dans mon mode de fonctionnement ? Est-ce que j’ai du temps pour m’adonner à mes activités personnelles ? Voir mes amis ?
Est-ce qu’on a encore du désir, du plaisir à être ensemble ici ?
Acheter ensemble : une belle étape… à condition d’oser la lucidité
Acheter à deux, c’est une aventure qui peut souder un couple, autant qu’elle peut le fragiliser. La clé, pour Clémence Rérolle, c’est l’ajustement plutôt que la suradaptation. Ne pas faire semblant, ne pas se taire, ne pas “prendre sur soi” pour préserver une harmonie de façade. Mais plutôt ajuster les attentes, les besoins, les règles… en continu.
Avant de signer ensemble chez le notaire, prenez le temps de vous asseoir, vraiment, face à face. Et demandez-vous : qu’est-ce que ça veut dire pour moi, d’acheter ensemble ?