Emprunter sur 50 ans : futur probable ou utopie ?

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Face à des prix de l’immobilier en constante augmentation et à des budgets qui fondent, une idée revient sur la table : et si on empruntait… sur 50 ans ? Relancée aux États-Unis sous l’impulsion de Donald Trump, elle intrigue autant qu’elle interroge. Alors, vraie solution ou fausse bonne idée ? On décrypte la question.
L’idée de prêts sur 50 ans circule aux États-Unis, poussée par Donald Trump, mais suscite de fortes critiques.
Un crédit sur 50 ans ferait exploser le coût total du crédit : environ 389 000 $ d’intérêts en plus par rapport à un prêt sur 30 ans (selon Euronews).
En France, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) recommande que les prêts immobiliers ne dépassent pas une durée de 25 ans.
Le réel blocage vient des prix de l’immobilier, qui progressent beaucoup plus vite que les salaires. Le salaire net moyen dans le privé n’a évolué que de +13 % en euros constants sur la période 1996‑2023 (selon l’Insee), alors que les prix de l’immobilier ont grimpé de +27,7 % en France ces 10 dernières années (selon la FNAIM).
Une idée américaine…
La proposition a de quoi surprendre : la Maison-Blanche étudie un dispositif de prêts immobiliers sur 50 ans, porté par la Federal Housing Finance Agency (FHFA) sous l’impulsion de Donald Trump. L’objectif ? Faire baisser la mensualité afin de faciliter l’accès au logement.
Sur le principe, l’idée semble séduisante. Dans les faits, elle provoquerait l’effet inverse de celui recherché. Sur cette durée, si la mensualité diminue, le coût total du crédit, lui, est beaucoup plus lourd.
Selon un article d’Euronews publié le 12 novembre 2025, un prêt sur 50 ans ferait grimper la facture d’environ 389 000 dollars d’intérêts supplémentaires par rapport à un crédit sur 30 ans pour un logement au prix médian. Soit le prix d’un appartement de 140 m² à Dallas au prix médian de juin 2025 (données recensées par la fintech américaine spécialisée dans l’immobilier Rocket.com).
Certains pays européens sont déjà familiers des longues durées d’emprunt : 30,7 ans en moyenne au Portugal ou 30 ans aux Pays-Bas (source Fédération Bancaire Française).
En France, la durée moyenne des nouveaux prêts à l'habitat pour l'acquisition d'une résidence principale est de 23 ans et 2 mois en 2025 selon la Banque de France, contre 20,3 ans en 2019 (source Statista).
En France, un contexte qui rend l’idée assez improbable
Il y a quelques semaines, on vous parlait de cette impression que beaucoup de Français partagent : devenir propriétaire est plus compliqué aujourd’hui qu’à l’époque de nos parents. Et quand les prix s’envolent et que les taux montent, on peut être tenté d’allonger la durée pour boucler son budget.
Mais, en France, un prêt sur 50 ans n’aurait aucun des effets espérés. Sur le papier, sur 50 ans, les mensualités baissent. Dans la réalité, le coût total du crédit explose : plus la durée s’étire, plus les intérêts s’accumulent, sans compter que les ménages sont déjà très contraints par les prix de l’immobilier. Au final, on paierait beaucoup plus… pour emprunter à peine davantage.
Julie et Romain gagnent 5 000 € à deux et peuvent consacrer 1 750 € par mois maximum au remboursement de leur prêt. Avec 25 000 € d’apport et un taux de 3,35 % sur 25 ans (taux moyen constaté par Pretto en novembre 2025), le couple peut emprunter 355 247 €. Au total, ils paieront près de 160 000 € d’intérêts.
Imaginons maintenant que leur prêt soit étalé sur 50 ans. Avec un taux similaire à celui d’un crédit sur 25 ans (même si logiquement la banque proposerait un taux plus élevé), Julie et Romain verraient leur mensualité tomber à 1 220 €, mais le coût total des intérêts grimperait à environ 380 000 €… soit presque le double d’un prêt sur 25 ans ! En clair, ils paieraient en intérêts l’équivalent du prix de la maison qu’ils veulent acheter.
Outre le coût global du crédit, un prêt sur 50 ans poserait plusieurs autres problèmes :
Plus un crédit s’étire dans le temps, plus le risque d’impayé augmente. Sur une durée de 25 ans, l’emprunteur s’expose forcément à des aléas : baisse ou hausse des revenus, événements de vie…Comme les banques ajustent leurs taux en fonction de ce risque, elles proposeraient logiquement des taux plus élevés. On obtiendrait alors l’inverse de l’objectif recherché : on allégerait la mensualité, mais au détriment du coût du crédit, qui grimperait sur le long terme.
En France, on conseille généralement aux emprunteurs d’avoir terminé leur crédit avant la retraite, une période où les revenus baissent et où les assureurs sont plus frileux. Un prêt sur 40 ou 50 ans irait complètement à rebours de cette logique, puisqu’il repousserait le remboursement bien après la fin de la vie active.
Surtout, allonger la durée ne ferait que retarder la constitution de patrimoine, ce qui va à l’encontre même de l’objectif d’un achat immobilier. Sur 40 ou 50 ans, l’emprunteur mettrait beaucoup plus de temps à amortir le capital : pendant de nombreuses années, l’essentiel des mensualités servirait surtout à payer des intérêts.
Autrement dit,ce type de prêt serait probablement plus cher, plus risqué et pas vraiment adapté au fonctionnement du marché français.
Un tel modèle n’apporterait aucune réponse structurelle à la crise du logement. En France comme aux États-Unis, le problème central reste le manque d’offre et la difficulté d’accès au financement, pas la durée des prêts. Allonger la durée ne ferait que retarder la constitution de patrimoine et alourdir la facture finale pour les emprunteurs.
Et si le vrai sujet, c’était les prix ?
Entre 2001 et 2020, les prix de l'immobilier ont été multipliés par 2,3 en France métropolitaine (source Insee).
Allonger la durée peut donner l’illusion d’un crédit plus accessible, mais ne règle en rien le déséquilibre majeur du marché : des prix qui progressent beaucoup plus vite que les salaires. Autrefois, on finançait sur des durées plus courtes, à des taux plus élevés… mais avec des prix qui restaient accessibles. Aujourd’hui, on emprunte déjà longtemps, parfois à taux raisonnables, mais sur des montants beaucoup plus élevés.
Alors, verra-t-on un jour des crédits immobiliers sur 50 ans ? Chez Pretto, on n’y croit pas trop. Ce qui ferait vraiment bouger les lignes, ce serait d’agir sur les leviers structurels : relancer la construction neuve, alléger les contraintes pour les bailleurs privés ou encore simplifier le parcours d’achat.

