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Vendre sa maison en organisant une tombola : bonne idée ou affaire risquée ?

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Alexandra
Rédigé le 27 juin 2025
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L’idée peut sembler originale voire audacieuse : vendre sa maison en organisant une tombola, en mettant de côté les méthodes classiques de vente. Récemment, le récit d’une telle vente en Irlande a fait le tour des médias. Mais qu’en est-il en France ? Est-ce une solution envisageable ou une voie illégale ? On fait le point.

Comment fonctionne une tombola immobilière ?

Concrètement, une tombola immobilière consiste à proposer des billets à la vente moyennant un tarif bas. Ce processus donne ainsi la possibilité à chaque participant de remporter le logement mis en avant. Aucune annonce spécifiant le prix n’est publiée, pas plus que la présence d’un agent immobilier n’est requise. C’est une loterie, organisée à l’issue de la vente des billets, qui désigne le gagnant. L’avantage est que le vendeur peut proposer autant de billets qu’il le souhaite pour parvenir à "vendre" sa maison au prix qu’il estime juste alors que, de son côté, l’acquéreur aura simplement déboursé quelques pièces pour obtenir un logement. Alors forcément, le principe a de quoi faire des émules…

La loi française autorise-t-elle les tombolas immobilières ?

La réponse tient en un mot : non. En France, les jeux d’argent doivent répondre à une réglementation stricte. Même l’organisation d’un jeu-concours doit nécessiter la présence d’un huissier et être clairement définie.

En effet, le droit national en vigueur encadre très sévèrement les jeux d’argent et loteries, et ce depuis la loi du 21 mai 1836, consolidée par une abrogation du 1er mai 2012. Ainsi, l’article 2 de cette loi précise que "Sont réputées loteries et interdites comme telles : les ventes d'immeubles, de meubles ou de marchandises effectuées par la voie du sort, ou auxquelles auraient été réunies des primes ou autres bénéfices dus, même partiellement au hasard et généralement toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait acquis par la voie du sort." Autrement dit, si vous espérez gagner un logement via un tirage au sort - ou autre principe lié au hasard -, et que cette opération est ouverte au public, cela tombe sous le coup de la loi interdisant les loteries commerciales - sauf exceptions encadrées très précisément par la loi -.

L’arnaque Simpatico

En 2013, un dénommé Léonard Simpatico lançait sur son site Internet un slogan accrocheur : "Une maison à 10 €, c’est sérieux !" À travers cette promesse, il incitait les particuliers à tenter leur chance en misant cette somme – voire davantage – dans l’espoir de remporter l’un des appartements ou maisons de standing qu’il affirmait posséder, via une loterie immobilière. Aidé de sa fille et d’un notaire, il a réussi à faire adhérer pas moins de 8 000 personnes, dont l’une d’elle a remporté une maison qu’elle n’a évidemment jamais eue. Ce sont plus de 400 000 € qui ont été empochés par l’arnaqueur, finalement condamné par la justice à "quatre ans dont deux avec sursis et mise à l'épreuve durant deux ans, avec obligation de réparer les dommages causés et interdiction d'exercer une profession commerciale ou gérer une entreprise, définitivement", spécifiait le journal La Provence.

En cas de non-respect, les sanctions peuvent aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 90 000 € d’amende (article 3 de la loi du 21 mai 1836), et si les faits sont commis en bande organisée, ils peuvent engendrer jusqu’à sept années de prison et 200 000 € d’amende. Vous l’aurez compris, en France, l’organisation d’une tombola immobilière avec billet payant sans autorisation préalable des autorités compétentes relève de l’illégalité.

Mais la France autorise les jeux-concours !

En effet, les jeux-concours ne sont pas considérés comme des jeux de hasard, mais ils permettent aisément de contourner légalement la loi du 21 mai 1836 ! Vendre sa maison par le biais d’un jeu-concours implique qu’elle en soit le lot après avoir répondu de façon pertinente à des questions. En 2013, une Ardennaise ne trouvant aucun acquéreur pour sa maison estimée à 2 millions d’euros a pris la décision de la vendre en organisant un jeu-concours. Pour avoir la chance de remporter le bien, les participants devaient débourser 10 € et répondre à deux questions, ce qui n’entre pas dans l’illégalité des jeux de hasard. Mais au lieu des 150 000 participants espérés, 15 000 personnes “seulement” ont tenté leur chance. Le règlement permettant de prolonger le jeu n’y a rien changé. Pourtant, si l’affaire Simpatico a freiné beaucoup de potentiels participants, l’Ardennaise avait bien ficelé son projet, contactant les autorités nécessaires, ayant obtenu un document de la répression des fraudes et étant accompagnée par un notaire et un huissier. L’histoire ne dit pas si la jeune femme a dû suspendre le jeu par manque de participants et rembourser les joueurs, ni même si elle a finalement pu vendre sa maison de façon plus classique…

Et à l’étranger, quid des tombolas immobilières ?

Dans les pays anglophones, c'est une pratique qui se démocratise. Les raisons ? Un marché immobilier ralenti ou simplement des difficultés à vendre un logement. En Irlande par exemple, il est courant que les acheteurs potentiels doivent surenchérir sur le prix demandé pour remporter une vente immobilière. Face à cette pratique et aux prix relativement hauts, il devient difficile de vendre.

Les ventes y sont de plus en plus organisées par des sites spécialisés comme Raffall qui, au passage, touchent une commission (10 % dans leur cas). Récemment, c’est une maison située dans le comté de Leitrim - nord de l’Irlande - qui a été vendue lors d'une loterie immobilière sur le site Internet, remportée par une gagnante originaire de Chicago.

La vente de billets de tombola de 5 € a dépassé les 300 000 € souhaités par la vendeuse. Comme expliqué dans les conditions de participation pour gagner le bien immobilier en question, "si moins de 150 000 billets sont vendus, le gagnant recevra un prix en espèces d'un montant de 50 % des revenus totaux des billets générés pour ce concours." Autrement dit, pas de maison à la clé, mais une jolie somme d’argent tout de même !

Focus sur le cottage irlandais
Il s’agit d’une petite maison située en pleine campagne sur un terrain de 1,75 acres, soit l’équivalent de presque 7 100 m2. Totalement rénovée en 2022 avec des matériaux et des équipements de qualité, elle comprend deux chambres avec lits doubles, un grand salon et salle à manger, une cuisine, une salle de bains, un grenier et de nombreux rangements. Le cottage doit être livré à ses nouveaux acquéreurs entièrement meublé (sauf meubles sentimentaux). Le plus ? Le potentiel d’extension et… une orientation idéale au sud pour profiter de la luminosité avec vue imprenable sur la campagne !

En Espagne, les tombolas immobilières sont autorisées depuis le début des années 2010. Elles sont réglementées par la Dirección General de Ordenación del Juego (Direction Générale de la Réglementation des Jeux). Cette tendance a permis d’accélérer la vente ou l’achat de biens immobiliers, offrant aux participants l’opportunité d’acquérir un bien immobilier à moindre coût. À Madrid, ce système a même récemment été utilisé pour accorder à une famille la possibilité d’occuper un appartement social de deux chambres avec place de parking. Face à une crise du logement et devant 44 000 prétendants à un logement social, la municipalité de Madrid a opté pour ce système, évitant ainsi de choisir sciemment une famille plutôt qu’une autre. Il faut souligner que Madrid reste l’une des capitales européennes les plus mal pourvues en logements sociaux, avec à peine 9 200 unités pour une population de 3,4 millions d’habitants.

Le cas d’un jeu-concours immobilier infructueux en Dordogne

En 2019, un couple de futurs retraités Périgourdins ne parvenant pas à attirer de potentiels acheteurs souhaite vendre sa maison via un jeu-concours. Il propose donc à qui souhaite participer d’acquérir un - ou plusieurs - billet(s) de tombola pour la somme de 13 € via un site, après avoir répondu à deux questions et estimé le prix de trois objets. En soi, au vu de la législation française, l’opération pouvait s’envisager…

Les prestations haut de gamme du bien rendent l’offre alléchante : la maison, située en pleine nature sur plus de 7 hectares de terrain non loin de Sarlat-la-Canéda, possède une surface habitable de 450 m2, est dotée de huit chambres avec salle de bain et WC, d’une salle à manger, d’un salon avec cheminée, d’une cuisine équipée, de trois dépendances (entre 50 et 100 m2), d’une piscine, d’un box pour les chevaux, d’un hangar et d’un étang avec irrigation. En dix jours, le couple parvient à vendre 20 000 tickets - il ambitionnait d’en distribuer 150 000. Problème : lorsque l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) leur adresse un courrier recommandé leur demandant de prouver qu’il ne s’agit pas d’un jeu de hasard, ils sont contraints de cesser leur tombola immobilière. Pourtant, ils avaient bien ficelé le jeu avec un notaire, un avocat, leur banque et un huissier pour éviter de tomber dans l’illégalité. L’ARJEL remettait en question le "savoir-faire" du joueur, et donc le fait que le hasard ne soit pas totalement écarté. S’il ne parvenait pas à convaincre l’ARJEL de les laisser poursuivre leur objectif, le couple s’était engagé à rembourser les participants. Aux dernières nouvelles, le jeu-concours n’a pas été poursuivi…

Organiser une tombola pour vendre sa maison ? L’idée a de quoi séduire : originale, décalée et ludique. Cependant, si elle fonctionne dans certains pays, en France, le cadre légal reste très strict. Autrement dit, ce n’est pas impossible mais loin d’être simple ! Alors si vous souhaitez tenter l’expérience pour vendre plus rapidement votre bien, il est indispensable de bien comprendre la légalité française et de vous faire accompagner juridiquement ET sérieusement. Qui sait ? Peut-être que votre futur ex-logement changera de propriétaire pour 10 € seulement. Mais en attendant, privilégiez les méthodes plus classiques, n’oubliez pas qu’elles ont fait leurs preuves… et surtout, elles vous éviteront bien des tracas !

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