Devenir propriétaire : comment avancer quand le marché se ferme ?

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Devenir propriétaire en France est de plus en plus difficile. Entre envolée des prix de l’immobilier qui ont augmenté 2 fois plus vite que les revenus depuis 25 ans (INSEE), un crédit plus encadré et la pression sur le marché, le parcours peut sembler semé d’embûches. Nous sommes donc partis à la rencontre de Matthias Baccino, directeur des marchés européens chez Trade Republic pour décrypter les réalités du marché et les alternatives pour ceux qui veulent construire leur avenir, avec ou sans immobilier.
En France, les prix immobiliers ont augmenté beaucoup plus vite que les revenus en vingt ans, selon une étude INSEE.
Dans les grandes villes, même des ménages à hauts revenus peuvent être exclus de l’achat.
L’apport personnel reste un passage quasi obligatoire pour obtenir un crédit alors qu’acheter sans apport est considéré comme risqué.Il existe des aides (Prêt à Taux Zéro, dispositifs locaux), encore trop méconnues pour accéder à la propriété.
Être propriétaire, un choix de vie ?
« Pour moi, l’immobilier n’a jamais été un pur investissement. C’est ton cadre de vie, l’endroit où tu protèges ta famille » explique-t-il
Longtemps, le financier a privilégié la location, par choix. Vivre près de son travail, limiter les temps de transport, profiter d’un cadre de vie agréable. Acheter ne semblait pas être une urgence. Et pourtant, avec l’arrivée de ses enfants, comme pour beaucoup d’entre nous, le besoin d’espace et de stabilité s’est imposé.
L’expert financier se heurte alors à la réalité des prix, notamment à Paris : impossible d’acheter grand sans s’éloigner du centre ou faire de lourds sacrifices financiers.
Crise du logement : pourquoi tant de Français sont exclus de la propriété ?
Le constat est brutal : selon un rapport de 2025 de l’Institut Montaigne, accéder à la propriété devient de plus en plus difficile, y compris pour les classes moyennes. Pour Matthias Baccino, ce n’est pas un simple accident de parcours, mais le résultat de choix structurels. Il le dit très clairement : « Il y a une politique du logement qui n'a pas favorisé la construction, qui n'a pas favorisé les bonnes constructions, qui n'a pas favorisé le marché immobilier de manière générale. »
Selon lui, la situation ne peut que se tendre : la pénurie s’installe, et les prix continuent de s’éloigner des capacités réelles des ménages. « Dans les 15 ans qui viennent, les prix de l'immobilier vont augmenter en France, soit une fois et demie plus vite qu'aux États-Unis », alerte-t-il.
Conséquence directe ? Même des actifs aux revenus confortables se retrouvent exclus du marché. Le logement est devenu un poids central dans les budgets. « L'immobilier dans les dépenses contraintes a été multiplié par deux depuis 2000. Ça devient le poste de dépense principale des gens. »
La propriété reste pourtant un idéal très ancré en France. En 2025, 57,4 % des Français sont propriétaires de leur résidence principale selon l’Insee. « On est un pays où les gens aspirent à être propriétaires » rappelle-t-il, tout en soulignant que beaucoup n’y ont désormais plus accès.
Cette fracture crée un sentiment d’injustice de plus en plus fort entre ceux qui ont pu acheter tôt, souvent aidés, et ceux qui se retrouvent durablement bloqués. « Aujourd’hui, c’est dur de se lancer dans la propriété », constate le spécialiste. À tel point que près des deux tiers des Français jugent qu’accéder à la propriété est aujourd’hui plus compliqué que pour la génération de leurs parents. (IPSOS, 2025)
Apport, crédit, règles bancaires : un parcours semé d’obstacles
Pour Matthias Baccino, la seule voie réaliste reste celle du temps long. Faire de l’apport un véritable projet de vie, sans précipitation ni injonction. « Peut-être qu’il va falloir prendre cinq ou dix ans de plus pour y arriver », résume-t-il, philosophe.
Faut-il acheter à tout prix ?
Ce contre-exemple bouscule une croyance bien ancrée : posséder son logement n’est pas le seul chemin vers la sécurité ou la stabilité financière. Louer n’est donc pas un échec, ni un renoncement, mais peut être un choix rationnel, voire stratégique. La propriété n’est pas une fin en soi, elle doit rester un moyen au service d’un projet de vie.
Parmi les questions à se poser avant de se lancer : où souhaite-t-on vraiment vivre ? Pour quel cadre de vie ? Quelle mobilité accepte-t-on dans son travail, sa vie familiale, ses envies personnelles ? Derrière la question immobilière se cache en réalité une réflexion plus large sur le mode de vie que l’on souhaite construire. Et parfois, renoncer à acheter, ou retarder ce choix, peut être une manière plus lucide de rester libre.
Investir, même sans immobilier : une autre voie possible
Pour ceux qui ne peuvent pas encore acheter, il existe une autre voie : investir autrement, sans attendre l’hypothétique “bon moment”. Matthias Baccino le formule sans détour : « Si tu ne commences pas à investir, tu seras pauvre quand tu seras vieux. »
Derrière cette phrase volontairement cash, une réalité simple : l’avenir financier des générations actuelles sera plus incertain, et l’épargne passive ne suffira plus. « L’avenir est plus difficile que prévu » rappelle-t-il, en insistant sur l’urgence à sortir de l’inaction.
Il défend une méthode accessible à tous, loin des promesses miraculeuses :
– « Ne le fais pas tout seul » : s’entourer, en parler à un proche, avancer à deux ou à plusieurs, pour ne pas abandonner au premier obstacle.
–« Commence » : inutile d’attendre d’avoir de grosses sommes, l’important est de passer à l’action, même avec de petits montants.
– « Fais ce que tu comprends» : ne pas investir dans des produits opaques ou à la mode, mais uniquement dans des supports dont on comprend réellement le fonctionnement.

