Est-ce que c’est le bon moment pour acheter ?
Vous rentrez en pleine forme le teint hâlé, encore un peu de sable dans les chaussures et rempli d’optimisme pour la rentrée. Vous avez réussi à ne pas trop déprimer en écoutant les vilaines actualités géopolitiques, financières et climatiques de cet été. Et vous vous êtes dit : « Quand même, est-ce que ça serait pas le bon moment pour acheter et d’être enfin chez soi ? » Bref, vous êtes à fond pour vous lancer dans votre achat immobilier.
Et alors que vous arrivez au bureau, vous tombez sur Gérard, qui n’est pas parti en vacances (il ne part jamais en vacances). Vous lui racontez vos projets, et ça ne loupe pas, Gérard assène : « Non mais là vraiment avec la hausse des taux, le prix du gaz, le taux d’usure et les reptiliens, c’est pas DU TOUT le moment d’acheter ! »
Alors, Gérard est-il la voix de la raison ou un moulin à idées noires ? Pour le savoir, essayons de comprendre ce qu’il se passe sur le marché immobilier. Avant de vous lancer dans votre achat immobilier, vous pouvez également simuler votre capacité d’emprunt pour connaître le montant du capital qu’il vous sera possible d’emprunter.
Pourquoi les taux montent ?
Or, quand les banques prêtent, elles doivent elles aussi payer un “coût de l’argent”. Elles sont donc obligées d’augmenter les taux immobilier.
Des crédits qui coûtent plus cher…
On a donc observé depuis le début de l’année une hausse d’environ 0,8 point des taux. Ce n’est pas négligeable ! Prenons un exemple :
- En janvier 2022, Alizée pouvait emprunter 100 000 € sur 25 ans à 1,2 %. Le coût de ses intérêts était de 15 800 € et sa mensualité 386 €.
- En septembre 2022, pour le même projet, Alizée emprunte à un taux de 2 %. Le coût total de ses intérêts passe à 27 000 € et sa mensualité à 424 €, soit 38 € en plus par mois.
Coup dur pour Alizée.
… ou un budget immobilier qui baisse
Bien sûr, c’est désagréable de payer plus cher pour le même crédit. Mais ce n’est pas tout à fait ce qui se passe en réalité !
En effet, la plupart des acheteurs, surtout depuis la limitation du taux d’endettement à 35 % par le HCSF, s’endettent autant que possible pour acheter plus grand, plus beau, plus près, etc. Donc la conséquence de cette hausse des taux n’est pas que les Français vont payer plus cher leur crédit, mais qu’ils vont… emprunter moins !
Reprenons le cas d’Alizée :
- En janvier 2022, elle pouvait emprunter au maximum 100 000 €, car les banques ne l’autorisaient pas à dépasser une mensualité de 386 €.
- En septembre 2022, à cause de la hausse des taux, elle ne pourra donc emprunter que 91 000 €, soit 9 000 € de moins, pour conserver une mensualité de 386 €.
Elle a donc deux solutions : soit elle augmente son apport, soit elle réduit son budget et ses ambitions immobilières. Pauvre Alizée, ce n’est pas de ta faute (à toi), mais bien de la hausse des taux.
L’impact sur le marché immobilier
Alors concrètement, ça donne quoi comme conséquences pour le marché de l’immobilier ? Et bien comme la plupart des Français achètent à crédit, et que leur apport a déjà augmenté ces dernières années (cf. encore le HCSF), ce sont un grand nombre d’acheteurs qui vont devoir revoir un peu leurs ambitions à la baisse.
Habituellement, les vendeurs mettent un peu plus de temps à trouver un acheteur au prix de leur rêve, et acceptent de baisser un peu leur prix. Et c’est comme ça que le marché peut corriger un peu à la baisse.
Sauf que, le marché immobilier en France est hyper dynamique, avec un déficit d’offre dans les zones attractives, peu de construction, et l’avènement du télétravail qui a recentré tout le monde sur son logement. Bien malin donc qui saura prévoir dans quelle direction vont évoluer les prix… (n’est-ce pas Gérard ?)
Du coup, j’attends que ça baisse ?
Arrêtons de tourner autour du pot, c’est la question qu’on se pose tous ! (à l’exception de notre ami Gérard).
En fait, tout dépend de votre projet, et surtout d’une donnée clé : combien de temps allez-vous rester dans votre bien ?
Et oui, car quand on achète un bien immobilier pour y vivre, on ne fait pas qu’acheter un actif qui a de la valeur : on s’évite aussi un loyer ! Et chaque année passée à rester locataire, c’est entre 3 et 7 % (selon où vous achetez) du prix du bien que vous habitez qui se vaporise en loyer. D’autant plus que, comme tout en ce moment, les loyers augmentent avec l’inflation…
Attention néanmoins : acheter un bien comprend un certain nombre de frais fixes, notamment les frais de notaire, qu’il faut avoir le temps d’amortir. Par ailleurs, si les prix de l’immobilier baissent, ce serait dommage de devoir vendre avant qu’ils aient eu le temps de remonter (car oui, surtout avec de l’inflation, historiquement les prix de l’immobilier montent à long terme).
Du coup, il ne reste plus qu’à estimer combien de temps vous allez garder votre bien et faire le calcul. En général, un minimum est d’y habiter 5 ans pour être sûr que ça vaut le coup.
Par ailleurs, à trop vouloir attendre que les prix baissent, on prend le risque… que les taux montent davantage !
Bref, ce qui est sûr, c’est que se constituer un patrimoine pour préparer sa retraite est toujours une bonne idée, et devenir propriétaire de sa résidence principale quasiment indispensable. C’est pourquoi il est fortement recommandé d’acheter dès que possible, et ce, dès que vous avez suffisamment de visibilité pour être capable de rester assez longtemps dans votre bien.
L’inflation, c’est pas que pour les autres
Une dernière bonne nouvelle pour la route. L’inflation, ce n’est pas qu’une mauvaise nouvelle pour votre porte-monnaie : quand les prix montent, le chiffre d’affaires des entreprises aussi, et cela permet des hausses de salaires (en tout cas pour la part de l’inflation qui n’est pas due aux prix de l’énergie).
Au lieu de regarder les taux qui montent, il faut regarder ce qu’on appelle les “taux réels” : les taux moins l’inflation (qui sont en ce moment négatifs !)
On a deux scénarios devant nous :
- Soit l’inflation est transitoire et les taux ne vont pas monter durablement
- Soit l’inflation est là pour durer, et les salaires suivront
Dans le premier cas, toute cette discussion est un peu inutile, puisque vous pouvez acheter maintenant et renégocier à la baisse votre taux plus tard.
Dans le deuxième cas, si les salaires se mettent à progresser rapidement, il devient plus facile de rembourser son crédit à mesure que le temps passe. C’est ce qui s’est passé dans les années 70, où les Français « payaient leur immobilier avec l’inflation » qui s’élevait à 7%. C’est pourquoi il est intéressant de s’endetter à taux fixe : le coût de votre crédit ne varie pas avec l’inflation, et son remboursement est un peu plus facile chaque année.